

Et si on remettait l’économie au service de l’humain? Indéniablement, notre système social s’essouffle. Et si au lieu de le rafistoler sans cesse, au gré des crises, afin de l’adapter à l’évolution sociétale, on changeait radicalement de paradigme? C’est précisément ce que propose l’initiative «Vivre avec dignité – Pour un revenu de base inconditionnel finançable». Un RBI, financé solidairement par les acteurs importants de l’économie financière, qui remplacerait l’AVS, les allocations familiales, les bourses d’études, l’assurance invalidité, ainsi que l’aide sociale et l’assurance-chômage (pour la partie inférieure au montant du revenu de base).
L’idée est donc révolutionnaire. Remplacer l’ensemble de notre protection sociale, devenue trop complexe, humiliante et toujours plus difficile à financer, par un revenu universel qui sera alloué d’office et sans condition à tout citoyen, qu’il soit riche ou pauvre. En somme, assurer un socle de sécurité existentielle pour tous, renforçant le pouvoir des salariés les plus précaires face à leurs employeurs. Cela stimulerait aussi l’insertion professionnelle tout en apportant une nouvelle liberté de choix dans l’activité. Et contribuerait à une meilleure répartition des richesses produites.
Evidemment, une initiative visionnaire qui remet en question tout un système se heurte inévitablement au scepticisme général. Dès lors, tout prétexte est bon pour la démolir. Alors oui, la normalité – à savoir que les personnes en âge de travailler pourvoient elles-mêmes aux besoins de leur ménage – sera bouleversée par le RBI. Mais, n’est-il pas temps de bousculer une normalité qui est une esquisse du monde du travail de ceux qui gagne bien leur vie?
Les détracteurs craignent également que les citoyens soient tentés de cesser de travailler. Ils y voient une menace pour l’ordre social, pour la productivité. Mais que dire de notre société hyperproductiviste qui engendre des burnouts et des coûts considérables à notre société? En 2009, une enquête en Allemagne a révélé que le coût des maladies du travail est de 225 milliards d’euros par année. En Suisse, on ignore les chiffres. Tout comme on ignore encore, à l’échelle nationale, les chiffres du sans-abrisme, qui est une des formes de pauvreté extrême, incompatible avec l’image d’une Suisse riche et généreuse. Pire encore, avant 2010, le terme de pauvreté n’existait pas dans les rapports officiels de la Confédération. Aujourd’hui, on estime à 50% les personnes dans une situation de précarité qui ne font pas appel à l’aide sociale. Parce que les procédures sont trop complexes. Parce que les démarches sont trop humiliantes. Dans un des pays les plus riches du monde, est-ce tolérable?
Le mode de financement du RBI serait difficilement réalisable, selon les détracteurs. Où donc trouver 200 milliards de francs par an (si le RBI est de 2500 fr.)? A ce jour, le PIB, à savoir l’économie réelle, engendre environ 680 milliards. Le montant est de 300 fois supérieur quant à l’économie financière. Et, surtout, cette dernière n’est soumise à aucune taxation ou presque. Le montant total du trafic des paiements génère de l’ordre de 100’000 milliards de francs par an. Avec un micro-impôt de 2‰, l’ensemble du RBI serait financé sans aucun problème.
Le RBI assurerait une existence digne à tous les citoyens. Et ferait de la Suisse, un exemple en Europe et dans le Monde. Un exemple qui inciterait peut-être d’autres sociétés démocratiques à prendre un vrai tournant social du capitalisme. Et de rendre ainsi la justice sociale compatible avec l’efficacité économique.